Nous entendons souvent que la France est en retard sur la question de l’autisme, que beaucoup d’efforts doivent encore être faits pour l’inclusion des personnes autistes dans la société et qu’à l’étranger tout est mieux. Qu’en est-il vraiment ? Est-ce vraiment mieux à l’étranger ? Les personnes autistes sont-elles mieux acceptées ?

Je suis parti une semaine en Irlande où j’ai rencontré une association qui cherche à construire une société inclusive et à faire de l’Irlande le pays le plus accueillant pour les personnes autistes. Voici les différences qui m’ont le plus marqué avec ce que nous faisons et pratiquons en France.

Ouverture d’esprit

Une caractéristique et peut être l’une des choses les plus frappantes lorsqu’en tant que français, nous arrivons pour la première fois dans un autre pays est la façon dont les étrangers sont accueillants, souriants et savent démarrer la conversation. En tant que personne autiste qui a souvent des difficultés pour s’exprimer à l’oral, cela fut d’une très grande aide. Les personnes que j’ai rencontrées démarraient instinctivement la conversation, et se montraient patientes pour que je puisse poser ma question ou leur répondre. Ce fut la première fois de ma vie où j’ai pu ouvrir la bouche sans cette sensation de me faire juger immédiatement.

Traitement sensoriel

Lorsque nous décrivons l’autisme en France, nous décrivons d’abord un problème de communication, des difficultés sociales et des intérêts restreints et répétitifs. Les difficultés sensorielles ne sont très souvent abordées que brièvement voire ne sont pas considérées du tout. En Irlande, cela est totalement différent. L’autisme est principalement abordé sous l’angle sensoriel. Les associations incitent les entreprises et les organisations à limiter les stimuli sensoriels et à mettre en place des endroits plus calmes à destination des personnes autistes afin que celles-ci puissent se reposer.

Juste pour prendre un exemple, à l’aéroport, au moment de repartir, le personnel m’a demandé 3 fois si le bruit et la foule étaient supportables. Nous n’avons jamais vu cela dans nos contrées.

Distinction entre l’autisme classique et le syndrome d’Asperger

La seconde différence qui m’a été flagrante est qu’en France nous distinguons encore l’autisme “classique” du syndrome d’Asperger. Nous avons tendance encore à considérer que les personnes autistes ont une déficience intellectuelle et que les personnes Asperger ont de nombreux talents et finalement, assez peu de difficultés. En Irlande, cette distinction ne semble plus être d’actualité. Toutes les formes d’autisme sont dénommées sous le vocable “autisme”, quelles que soient les compétences et les difficultés des personnes concernées. Ainsi nous parlons de l’emploi des personnes autistes en général et non uniquement de l’emploi des personnes Asperger. La conséquence directe de cela est que lorsque les personnes Asperger expriment leurs difficultés, cela fait écho pour de nombreuses personnes qui ne peuvent pas s’exprimer.

Sensibilisation à l’autisme

Faire comprendre ce qu’est l’autisme, inciter les entreprises, les services publics ou les écoles à mettre en place des aménagements ne sont pas des tâches à prendre à la légère. C’est quelque chose qui demande beaucoup de temps et d’énergie et cela se ressent dans la façon dont les associations sont organisées. Contrairement à ce que nous faisons en France, en Irlande, certaines associations aident les familles affectées à trouver de l’aide etc tandis que d’autres ne font que de la sensibilisation. Le travail est réellement séparé, bien que les deux types d’organisations sont amenés à coopérer.

De la même manière, la sensibilisation et la compréhension de l’autisme sont considérées comme deux choses différentes. Vous pouvez savoir que le chinois est une langue, si vous ne le parlez pas, vous ne pourrez pas inclure les personnes ne parlant que cette langue.

La conséquence est que partout où vous allez, partout les gens sont informés et, que ce soit dans les magasins ou au restaurant.

Des organisations plus professionnelles

Enfin, et je pense que c’est également une différence importante avec ce que nous connaissons, les organisations Irlandaises tendent à être plus professionnelles. En France, bien souvent, les associations ne sont composées que de bénévoles. Les personnes s’y investissent uniquement sur leur temps libre. En Irlande, les associations n’hésitent pas à chercher des fonds pour embaucher du personnel qui peut se consacrer à la cause plus de 40 heures par semaine. Ainsi les progrès et les transformations dans la société se mettent plus rapidement en place que chez nous tout en permettant également aux associations d’agir à un niveau européen.

De la même manière, le handicap est abordé sous un angle beaucoup plus professionnel. Qu’est-ce que cela apporte aux entreprises d’employer une personne autiste ? Qu’est-ce que cela apporte à un lieu public de considérer les personnes autistes ou à une école d’accueillir les élèves concernés ? La présentation est toujours faite sous l’angle de ce que cela apporte à l’autre, plutôt que sous l’angle de la charité. Personnellement, je trouve cela plus que positif.

Ces 5 différences ne doivent pas être une occasion de nous dire que tout ce que nous faisons en France est mal ou nul mais doit nous permettre de progresser rapidement et doivent nous montrer que la construction d’une société inclusive est possible et est à notre portée.